AVANT-PROPOS

Le présent numéro se propose d’offrir un bilan historiographique sur les hérétiques bogomiles, ainsi que sur les cathares, leurs ava¬ tars en Occident. En effet, les lecteurs de notre revue, avant tout des slavisants, littéraires ou linguistes, ne connaissent pas nécessaire¬ ment l’histoire de ces mouvements dissidents ni les débats sans cesse ravivés qui animent les érudits qui les étudient. La plupart des sources anciennes sur les bogomiles et les cathares, écrites en slave, en grec ou en latin, ont été publiées et maintes fois analysées ; mais sur leur interprétation, les opinions sont partagées et soulèvent par¬ fois de véritables passions. Au fil des articles de ce volume, on découvrira que, dans les débats, les engagements intellectuels reflè¬ tent aussi, au-delà de la recherche d’une vérité historique, des convictions religieuses, culturelles, nationales.

Les érudits slaves mettent l’accent sur l’originalité des traits caractéristiques du bogomilisme, face à la domination culturelle et religieuse de l’Église byzantine et de son influence. Ils cherchent, de même, à déceler les traces des croyances hérétiques dans la litté¬ rature apocryphe slave, dans le folklore, ou dans l’art funéraire de Bosnie. Il n’en reste pas moins que certains aspects du bogomilisme font penser à l’ascétisme des moines orthodoxes et que la gravité des accusations d’hérésie contre l’Église bosnienne s’explique autant par le contexte politique qu’idéologique.

Le lecteur trouvera dans ces pages, après un vaste panorama des problèmes posés par l’interprétation du phénomène hérétique, des discussions autour des liens entre l’Orient et l’Occident, entre le monde gréco-slave et le monde latin. L’un des points les plus sen¬ sibles porte sur l’origine de l’hérésie cathare et sur ses rapports avec le bogomilisme. La diversité des Églises (« ordres ») cathares, en

Slavica occitania, Toulouse, 16, 2003, p. 11-15.