affirme que l'analyste doit apprendre à écouter et à comprendre ce que le patient lui communique, mais qu'il doit aussi apprendre à « ne pas comprendre ». S'efforcer de comprendre peut être, en effet, une résistance qui est mise en oeuvre...
moreaffirme que l'analyste doit apprendre à écouter et à comprendre ce que le patient lui communique, mais qu'il doit aussi apprendre à « ne pas comprendre ». S'efforcer de comprendre peut être, en effet, une résistance qui est mise en oeuvre surtout lorsqu'au cours de la séance une évolution peu ou pas du tout maîtrisable se produit. Le « ne pas comprendre » dont parle Bion n'est pas une disposition mentale passive ; il n'équivaut pas à se renfermer en soi et à se distancer, mais au contraire, à rester en relation avec ce qui est incompréhensible, contradictoire et mystérieux, sans chercher à sortir de cette condition en s'accrochant à des explications ou en construisant des hypothèses. L'exercice de « ne pas comprendre » permet à l'analyste de ne pas donner prématurément une forme à ce qui est en train d'évoluer et qui pourra prendre forme dans le champ analytique . A cette capacité de l'analyste de rester dans le doute et dans la confusion, Bion a donné le nom suggestif de « capacité négative ». Capacité parce que c'est l'expression de dons naturels développés à l'aide d'une formation, négative parce qu'elle équivaut non pas à faire, mais à s'abstenir de faire. Lorsque l'analysteaprès être resté dans la condition de ne « pas comprendre »arrive à proposer une interprétation, le fait fet] qu'il soit resté longtemps au contact du non connu donne à ses mots une multidimensionnalité et une ouverture particulières. Le rapport qu'il a entretenu avec ce qui est en évolution fait fe] que ses interventions portent les membres du groupe directement au coeur de l'ensemble de tensions, de fantasmes et d'émotions qui se condense dans la séance au lieu de le décrire : K O (Keats, 1817). Bion met en relation la capacité négative non seulement avec l'ouverture et la multidimensionnalité de la parole de l'analyste, mais aussi avec l'insight. L'insighttel que l'entend Bionest une illumination sur quelque chose ou une intuition (intuit) de l'existence de quelque chose (une nuée de sentiments, de prémonitions, de tensions) qui ne peut pas encore être perçue par les sens, ni saisie par la raison, mais qui influe tout de même sur la relation, sur le champ et sur les individus. Freud (1916) a écrit : « Je sais […] que je dois m'aveugler artificiellement pour focaliser toute la lumière sur un point noir. » Bion (1992) précise que pour allumer cette lumière, il faut une méthode et une discipline. XI e Congrès de Psychothérapie de groupe d'enfants et d'adolescents « Le thérapeutique dans les groupes » (Auxerre, 8 et 9 juin 2007). La pratique de « ne pas comprendre » està mon avisparticulièrement importante dans certaines phases du travail reconnaissables à deux signes. Le premier est la perception que le discours est devenu inconsistant : il manque de profondeur, presque comme s'il s'agissait d'une façade. Cette perception peut survenir en dépit même de l'attitude constructive du patient et d'un bon accord entre le patient et l'analyste. Le deuxième est une angoisse subtile et cachée, un vague avertissement que quelque chose d'important pourrait se produire, sans pouvoir toutefois comprendre d'où vient le signal. Dans ces cas, je cherche à mettre en pratique les indications de Bion. Je néglige, je laisse tomber et j'éloigne activement de mon esprit toutes les explications et les hypothèses qui se présentent au fur et à mesure et qui tendent à donner un sens et à organiser ce que j'éprouve, ce que le patient dit et, de manière plus générale, ce qui se passe durant la séance. La perte du soutienreprésenté par l'effort de comprendre et de donner un sensme conduit progressivement à un état mental caractérisé par la confusion et la perte de l'orientation. C'est quelque chose de différent de l'inconsistance que j'avais ressentie auparavant. Les traits essentiels sont, au-delà de la confusion, un sentiment de vulnérabilité et de peur . Cette condition pénible s'accompagne d'une plus grande perméabilité de l'esprit, que traversent des fragments de pensées et de sensations disparates, non reliés et non reliables les uns aux autres . Après un certain temps, qui peut aller de quelques minutes à une ou même plusieurs séances, il se dégage une image, une intuition, un sentiment, un souvenir dotés d'une grande intensité. Grâce à un travail où la rêverie joue un rôle essentiel, je parviens à placer cet élément dans une scène. Il s'agit tantôt d'une scène où les liens avec l'histoire du patient ne sont pas reconnaissables, tantôtau contraire -d'un épisode que le patient a raconté durant l'analyse. Je ne suis pas sûr que cette scène soit essentiellement différente des explications et des hypothèses que j'avais formulées et laissées tomber auparavant. La présence d'un certain nombre de caractéristiques est néanmoins une indication utile. Une scène valable est celle qui me montre non pas quelque chose de nouveau, mais quelque chose que j'ai déjà eu longtemps sous les yeux sans avoir vraiment pu la voir. C'est également une scène qui me touche personnellement, sans que cette implication personnelle me conduise dans une autre direction que celle du processus qui vise à mieux comprendre le patient et ses problèmes. Enfin, la scène est accompagnée par l'expérience de nouveaux sentiments et elle modifie la position affective à partir de laquelle je regarde les événements. Lorsque je parviens à la conviction que la scène est valable et qu'elle a suffisamment de force, je cherche à établir systématiquement des liens entre cette scène et ce qui est